La collection Jouef prestige

En 1986, apparaît dans le catalogue Jouef la collection Prestige. Cette dernière est composée d’une douzaine de modèles de haute qualité, emballés dans une boite caractéristique, avec leurs pièces de superdétaillage. On compte 11 références :

  • Voiture lit type Z (Ref 5307) et type LX (Ref 5308)
  • Des voitures OCEM, 1 ère classe à rivets (Ref 5309), mixte fourgon 3 ème classe (Ref 5311), 1 ère classe à couchette et à rivets (5310)
  • Une allège postale OCEM (Ref 5312)
  • Cinq voitures dites TY Est de seconde classe  (Références 5314, 5315, 5316, 5317, 5318)

Sur ces 11 wagons seuls 6 seront réellement commercialisés et se trouvent aujourd’hui sur le marché de l’occasion. Nous verrons pourquoi 5 de ces 11 voitures apparurent sur catalogue sans être commercialisés. Jouef présente sa série comme une ‘gamme luxueuse de véhicules splendides‘ avec ‘une qualité exceptionnelle’, et une ‘technologie haut de gamme‘. De facto, ces wagons sont inédits pour leur degré de qualité dans la gamme proposée par Jouef.  La raison de cette rupture qualitative est simple : Jouef a acquis les moules d’un autre fabricant, France-Trains, entre temps racheté par Tram après une suite d’épisodes chaotiques que nous allons retracer ici.

France-Trains, 1967

Pour comprendre la génèse de ces voitures dans le catalogues Jouef, il faut remonter dans le temps, à la création de la société France-Trains par un passionné, Albert Millet. Il connait bien le marché du  train miniature car dès 1960, il fonde la société Hobby Import [2] rue du Faubourg Poissonnière, à Paris, pour importer les peintures Humbrol, les transformateurs Hamman et Morgan, la voie Peco, ou encore les voitures Pocher (marque Turinoise). Hobby import fait également fabriquer et décorer par la société Rivarossi du matériel moteur tel que les Pacific Chapelon. La marque France-Trains est lancée en 1967. Le nom et le logo représentant l’avant d’une locomotive Crampton a été décidé par Nadia, l’épouse d’Albert Millet.

Albert et Nadia Millet sur un catalogue de la marque (DR)

La marque est d’abord domiciliée à Issy les Moulineaux puis, à partir de 1974, 50 rue Berri à Paris. L’objectif premier d’Albert Millet était de fournir des voitures de voyageurs représentant plus spécifiquement la période des grands express. Albert Millet souhaite que ses productions soient de grande qualité. Pour parvenir à ses fins, il s’adjoint les talents d’un graveur expérimenté, René Collard [5], qui a déjà conçu des modèles pour SMCF et Hornby pour sa gamme ACHO [3].  C’est l’exceptionnelle qualité de gravure réalisée par René Collard qui retiendra plus tard l’attention de Jouef : les productions sont exactes, réalistes  avec des inscriptions appliquées à l’écran de soie avec les conseils du peintre qui a travaillé pour l’entreprise Métropolitan en Suisse, Monsieur Auzolle.


Une production originale de France Train

Le premier modèle présenté est un wagon ARBEL présenté à la foire de Nuremberg en 1969. Suivront les Ty EST (celles que l’on retrouve au catalogue de Jouef en 1986), puis les voitures OCEM (RA et FL), le Train Bleu, les fourgons, et finalement les voitures postales. A partir de 1974, l’entreprise produit du matériel moteur : en 1974 la locomotive électrique 2D2 5507 équipée d’un châssis Jouef ou RMA selon les séries. Puis suivent les 2D2 5500 P.O. et S.N.C.F. qui furent originellement construites sur châssis RMA tout métal.

Albert Millet disparaît en 1974 mais sa firme est reprise par son ancien chef de production Pierre Raffin associé à Nadia Millet. La fabrication est délocalisée au moulin du Gué Plat, à Pommeuse près de Coulommiers. René Collard, le graveur quitte la société, ainsi que l’intégralité du personnel (qui ne souhaite pas se relocaliser à plus de 70 kilomètres des anciens ateliers). Faute de capacité de production, les tirages menés pour des tiers (RMA et Gérard TAB) cessent.

Publicité France Train (DR)

Les reprises

France Trains disparaît définitivement en 1982. Les outils et machines sont repris par Tram, une entreprise qui dans la foulée de la faillite de Jouef est constituée par quatre techniciens de l’entreprise Jurassienne dont Messieurs Baguelin et Rousseau: quelques ex-modèles France Trains sont bel et bien produits dans le catalogue Tram. Mais Tram cesse ses activités, à son tour, en 1984. Les fondateurs de Tram fondent alors « Trains Rousseau »  à Romainville en Seine Saint-Denis. Tram parviendra à mettre quelques centaines de wagons O.C.E.M. 19, T.P. Armistice sur le marché, vendus en kit ou montés.

Nadia Millet, toujours associée à Pierre Raffin ouvre un magasin de modélisme rue Merlin, dans le 11 ème arrondissement de Paris à l’enseigne « L’Aiguilleur ». Ce magasin a pour particularité de posséder son propre atelier en Seine et Marne pour construire, peindre, décorer et réparer les modèles de trains : des stocks anciens de France Trains sont commercialisés, du matériel d’autres marques est super détaillé dans des séries spéciales  (140 C Jouef, mais aussi wagons de marchandises). Les séries produites iront de 50 à 500 pièces. Le 31 décembre 1993, c’est la fin de l’enseigne.

Une des productions de l’aiguilleur

Jouef entre en scène en 1985. Selon Clive Lamming dans son ouvrage de référence sur Jouef (Jouef Marque déposée page 65), c’est lui même qui parle en premier de France-Trains aux cadres de Jouef, en 1979. L’entreprise est alors en grande difficulté et se dirige vers la faillite. Il accompagne le potentiel repreneur au Moulin du Gué Plat. Mais ce ne sera finalement que bien plus tard, en 1986 et après la première tentative de reprise par TRAM qui elle aussi se solde par une faillite, que Jouef finira par racheter les actifs industriels de France-Trains et en commercialiser une infime partie: 6 modèles seulement.

La sauvegarde des moules de France-Trains

On en vient à se demander pourquoi avec une telle diversité de modèles et de qualité, Jouef n’a affiché sur son catalogues 1986 que 12 références, pour finalement n’en commercialiser effectivement que 6. Une explication nous est donnée sur un post de forum [1] :

Lors de la faillite de TRAM, le syndic a fait entreposer l’outillage et les moules alors en excellent état, sans aucune protection dans un hangar industriel ouvert à tout vent et dont la toiture prenait l’eau de toutes parts lorsqu’il pleuvait. Jouef a racheté cet ensemble pour une poignée de cacahuètes ( autour de 10000 Frs ) environ un an après, mais l’oxydation subie par les moules était telle que seul 5 ont pu être sauvés si mes souvenirs sont bons. lors de la vente de l’outillage à TRAM, tous les moules étaient en excellent état, sauf celui de la Pullman Côte d’Azur version salon pour lequel il y avait un problème sur une des fenêtres ovales sur une extrémité ( moule à restaurer )

L’auteur nous précise qu’il avait été parti de l’histoire car avait envisagé la reprise des moules et de l’outillage TRAM, alors en bon état, pour la sommes de 50000 FF. Jouef, n’arrivant pour la reprise qu’une année plus tard aura retrouvé le même équipement considérablement abîmé par les mauvaises conditions de son stockage. Les moules récupérés par Jouef étaient dans un tel état de délabrement que seuls quelques uns finiront par être réellement exploitables. On aura probablement prévu un temps que les 6 moules TY (références 5315 à 18) étaient récupérables avant d’abandonner (ceci expliquant la présence de ces wagons jamais commercialisé sur le catalogue de 1986).

Au final, Jouef commercialisera jusqu’en 1989 les 6 voitures de France-Trains, sous la marque Jouef Prestige (ils apparaissent dans les catalogues sous cette description). On note que les premières voitures ne sont pas marqué du logo Jouef sur leur bas de caisse. Les 6 TY disparaissent des références en 1987. A partir du catalogue 1990 les OCEM et l’allège postale sont banalisées dans la gamme, bientôt rejoint par d’autres modèles OCEM de la même époque comme la voiture mixte OCEM 2 ème classe-fourgon (référence 511600) ou le voiture mixte OCEM 1 ère et 2 ème classe (référence 511500). La gamme OCEM est alors complétée, mais les nouveaux modèles (qu’on peut observer dans le catalogue 1998, page 52 et 53) n’offrent pas le même niveau de gravure que les anciennes références de France-Trains.

Sources:

[1] http://forum.e-train.fr/viewtopic.php?f=2&t=12230&p=322811&hilit=tram+moules#p322811 (Juin 2007)

[2] France-Trains histoire et documents 

[3] France-Trains la grande classe à la française

[4] http://trainminiature.discutforum.com/t10901-historique-des-marques-de-train-miniature-a-a-k

[5] http://forum.e-train.fr/viewtopic.php?p=420464 René Collard est évoqué sur ce post de forum de 2008