Les livrées éphémères des TGV reproduites par Jouef : le TGV blanc et les rames Renfe
Certains modèles sont parfois inhabituels quand ils reproduisent eux mêmes un engin inhabituel. Les trains à grande vitesse n’échappent pas à ces bizarreries. Nous avons parlé dans cet article du TGV promotionnel RTL sur base Jouef qui fût offert aux voyageurs du train d’inauguration de la LGV Sud-Ouest. Nous pourrions aussi évoquer cette motrice TGV Atlantique avec son marquage « Jouef doit rester en france« , distribuée avec un tract syndical aux passagers d’un TGV Lausanne-Paris bloqué en gare de Frasne le 23 juin 2001 (modèle qui est aussi une rareté intéressante).
Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce ne sont pas ces modèles hors série, mais plutôt ceux qui reproduisent deux livrées particulières de TGV qui ont pour point commun d’avoir été soit apposées pendant une courte durée, soit de n’avoir jamais existées. Livrées qui ont pourtant fait l’objet – probablement par hasard de calendrier – d’une production Jouef.
Le TGV blanc
Les voyageurs français connaissent les livrées historiques des TGV : orange pour les premiers pas de la ligne Sud-Est, suivies par la livrée bleu et grise du réseau Atlantique, et des TGV Réseau. D’autres livrées suivront, mais au tout début de l’ouverture de la desserte dite atlantique, une autre livrée, blanche, beaucoup plus rare, a été en usage.
Les TGV Atlantique (ou TGV A), ce sont des rames électriques TGV de la SNCF, aptes à 300 km/h, mises en service à partir de 1989 à l’occasion de l’ouverture de la première branche (Ouest) de la LGV Atlantique ; le nombre total de rames, toutes construites entre 1988 et 1992, s’élève à 105. C’est la deuxième génération des TGV, caractérisée extérieurement :
- par une livrée « Atlantique » gris métallisé et bleu ;
- par des motrices mieux profilées ;
- par des rames plus longues (10 remorques au lieu de 8).
D’autres différences importantes les distinguent des TGV Sud-Est :la puissance installée est de 8 800 kW sous caténaires 25 kV – 50 Hz (contre 6 450 kW pour les TGV Sud-Est), réduite à 3 880 kW sous 1 500 V continu ; elles sont équipées de 8 moteurs triphasés synchrones ; les compartiments d’extrémités des voitures 1 et 10, au-dessus des essieux contigus aux motrices (motorisés sur les TGV Sud-Est), sont aménagés pour recevoir des voyageurs ; les aménagements intérieurs sont revus, avec notamment des espaces équipés pour les familles. Le couplage en unité multiple (UM) est autorisé uniquement entre rames de même modèle. Roger Tallon est le designer de la livrée et de l’intérieur de la version d’origine, succédant ainsi à Jacques Cooper.
Ce qui est inhabituel sur la série des TGV A, c’est que deux rames de présérie ont longtemps portées une livrée particulière blanche.
Cette décoration n’a pas durée très longtemps. et seules deux rames l’ont reçues: les rames 301 et 302. La 301 est sortie des ateliers de Bischheim en livrée bleue en mai 2002. La 302 était toujours blanche en février 2001. Un internaute précise[1] :
La 301 et 302 ont gardé leur livrée blanche au moins jusqu’en 2000, dernière année où je prenais le train à Poitiers direction Limoges et où je croisais, de temps en temps une de ces deux rames. Sur la fin, une des deux avait même les trappes du nez remplacées par celles d’une grise.
Mais revenons en 1989, soit quelques mois avant le lancement officiel du service Atlantique. La marque s’est assurée les droits de reproduction mondiaux et exclusifs des TGV Atlantiques auprès de la SNCF pour les années 198,89 et 90. Souhaitant saisir l’occasion d’ajouter rapidement à son catalogue ce nouveau train, Jouef s’empresse de concevoir dès 1988 une rame TGV qui inclut les modifications de la nouvelle série des TGV A et lui attribue la livrée provisoire, donc blanche. Cette première rame fournie dans un coffret de base (deux motrices et deux wagons d’extrémité) est également complétée par trois références additionnelles pour les voitures bar, 1 ère classe et seconde classe.
Il est fait mention d’un premier coffret de 100 exemplaires de TGV A blanc[5] détaillé par la firme Clarel (pantographes Sommerfeld, détaillages) présentée à la presse dans les usines de Belfort le 14 avril 1988[4] le jour de la présentation officielle du TGV A. Puis, vient un coffret, réalisé dans l’urgence par Jouef pour être présent au catalogue et dans les grandes surfaces et qui sera produit à un millier d’exemplaires. Les wagons additionnels blancs, ont probablement été produits en une encore plus petite quantité.
Une fois la livrée Atlantique fixée par la SNCF, Jouef abandonne la référence du TGV blanc qui disparaît du catalogue et est remplacé dès le catalogue 1989 par de nouveaux modèles, sans aucun doute basés sur les moules du TGV blanc (référence 740100), mais décorés de la livrée définitive bleu. Le TGV blanc n’est plus produit postérieurement à 1989. D’où la rareté de ces TGV blancs qui sont très difficiles à trouver, et sont généralement commercialisés à des prix prohibitifs (300 euros ne sont pas rares pour les 4 éléments et 900 euros pour une rame complète).
ARCO : le premier TGV Euromed
Le second TGV Jouef à livrée hors norme que nous vous présentons n’a probablement pas existé à plus d’un exemplaire ! Son histoire est calquée sur celle des débuts de la grande vitesse en Espagne.
Euromed est un service de trains rapides assuré par des rames à grande vitesse de Renfe Operadora, circulant initialement à la vitesse maximale de 200 km/h sur la ligne classique aménagée Barcelone – Valence – Alicante. Cette ligne longe la côte Est de l’Espagne. Elle utilise des trains de la série S-101 fabriqué par Alstom.
Le S-101 est un train conçu sur les bases du S-100. La Renfe avait commandé 24 trains à grande vitesse à écartement international, les S-100, et avait ensuite modifié sa commande pour recevoir les 6 dernières unités à écartement espagnol (l’écart entre les rails était de 1668 mm contre 1435 pour l’écartement UIC standard en europe). Ce train était similaire au S-100, mais équipé de bogies compatibles avec l’écartement ibérique et ne circulait que sous caténaire 3000 V et avec une vitesse limitée à 220 km/h. Les 6 unités ont été livrées entre 1994 et 1996.
Les écartements des voies en espagne |
L’écartement ibérique est un écartement de rail de chemin de fer de 1 668 mm de largeur soit 5 pieds et 5 2/3 pouces. Il est utilisé principalement en Espagne et au Portugal. Cet écartement défini en 1952 est un compromis entre les écartements historiques espagnol (1 672 mm) et portugais (1 664 mm). L’écartement espagnol initial de 1 672 mm correspondait à 6 pieds castillans. Cet écartement est différent de celui en vigueur dans le reste de l’europe non pas pour des raisons militaires (comme il est souvent dit) mais pour des questions techniques. A la suite d’un rapport de 1844, les experts considéraient que le relief espagnol, très accidenté et couvert de montagnes, exigeait des locomotives plus larges pour franchir sans problèmes les fortes pentes qu’elles seraient amenées à rencontrer. On a donc choisi des voies plus larges que dans le reste de l’Europe pour ce motif. Depuis le début des années 1990, cet écartement cohabite en Espagne avec l’écartement normal adopté pour la mise en place du réseau à grande vitesse. Cette politique de conversion de l’écartement sur l’ensemble du réseau espagnol se généralise, puisque, désormais, nombreuses sont les lignes à écartement ibérique qui, lors de leur rénovation, sont dotée de traverses pouvant supporter des voies à double écartement. |
Hors, au moment où se prépare la mise en ligne des rames à grande Alstom de la série S-101, sort dans le catalogue Jouef des nouveautés de 1997, cette curieuse rame S-101 en livré et logo ARCO. Arco est le nom commercial d’un service ferroviaire de passagers assuré par Renfe Operadora en Espagne qui utilise des trains composés des voitures de la série 2000 Arco, à savoir d’anciennes B11x-10200 (série 10000) transformées qui ont été équipées de bogies permettant une vitesse de 220 km/h. Les bogies sont une version modifiée du modèle GC-1 de CAF, dénommée GC-3, qui permet un meilleur confort à des vitesses supérieures.
Ce qui est étonnant, c’est qu’il est nous a été impossible de mettre la main sur une photographie de cette rame de TGV S-101 réelle dans sa livrée ARCO. Il n’est même pas vraiment certain que cette livrée ait réellement existée autrement que sous forme de proposition ! La marque ARCO existe et a été appliquée sur des locomotives électriques mais apparament jamais sur des TGV : d’emblée les rames S-101 semblent avoir toutes reçues la livrée Euromed.
La livrée ARCO des trains à grande vitesse ne serait donc en réalité qu’une livrée d’essais mais que Jouef aurait reprise auprès d’Alstom pour réaliser un modéle prototype, le photographier, et le publier sur le catalogue des nouveautés. Ce modèle Jouef va demeurer sous exactement la même référence, dans le catalogue 1997, mais avec la livrée Euromed : la photo du fascicule de nouveautés Jouef est donc la seule trace qui subsiste du modèle en livrée ARCO, mais est aussi la preuve qu’au moins un modèle a existé … et que nul ne sait ou il se trouve (en tout cas je n’ai pas trouvé et votre aide ou des photos si vous l’avez serait précieuse) !
En 2009, les 6 rames S-101 ont été modifiées pour passer à l’écartement UIC (l’intégralité du réseau espagnol étant en voie de conversion au standard UIC, en profitant de son programme de construction de lignes nouvelles) et affectées à la LGV Madrid – Séville en complément des 18 rames S-100 existantes.
Liens
[1] Quelques informations sur les rames blanches ici https://www.cheminots.net/topic/26929-tgv-atlantique-sujet-officiel/page/38/?tab=comments#comment-720582
[2] La marque ARCO https://fr.wikipedia.org/wiki/Arco_(Renfe)
[3] Sur l’écartement ibérique https://bap-europe.com/pourquoi-lecartement-de-voie-espagnol-est-il-different-de-leuropeen/
[6] Page sur les modèles de TGV HO et N http://www.trainweb.org/tgvpages/models.html